Les drogues psychédéliques, également connues sous le nom de substances hallucinogènes, sont utilisées depuis des millénaires par les sociétés traditionnelles. Leur capacité à altérer la perception, l’humeur et divers processus cognitifs a très tôt intéressé les scientifiques, qui ont décelé de potentielles applications médicales.
Aussi fascinants que controversés, les psychédéliques sont pourtant rapidement tombés sous le statut de l’illégalité dans la plupart des pays. Mais quel fut le véritable motif de l’interdiction des psychédéliques ? Quels ont été les impacts sur la science et la société ? Petite histoire d’une interdiction plus politique que scientifique…
Table of Contents
Quand les psychédéliques n’étaient pas des drogues
Rituels de guérison amérindiens
Aujourd’hui, le terme drogue psychédélique est largement employé pour désigner une famille de psychotropes. On compte entre autres parmi eux la psilocybine, l’ayahuasca ou encore la mescaline. Mais, cela n’a pas toujours été le cas.
En effet, ces substances faisaient partie intégrante des cultures amérindiennes. En Amérique du Nord, c’est le peyotl, un cactus contenant de la mescaline hallucinogène qui était sacré. Les chamanes l’utilisaient lors de cérémonies divinatoires mais aussi comme remède courant, en cataplasme, pour soigner les blessures. (Michaël Hittman, Chimères, 2017).
La psilocybine était quant à elle appelée nahuatl, “la chair des dieux” par d’autres peuples amérindiens. Au Mexique, son culte est très ancien. On l’employait lors de rituels chamaniques pour entrer en communication avec les mondes invisibles. D’ailleurs aujourd’hui encore, les sociétés indigènes continuent de les utiliser…
L’engouement occidental pour les psilocybes
Les premières découvertes des propriétés psychédéliques de substances comme le LSD et la psilocybine remontent au milieu du 20e siècle. On les doit notamment aux expéditions menées par le directeur du Museum d’Histoire Naturelle, Roger Heim. Accompagné d’un mycologue, l’américain Gordon Wasson, ils relèvent dès les années 1950 un “intérêt exceptionnel au point de vue psychique, médical, ethnologique et mycologique” (R. Heim, Notes sur les champignons divinatoires, 1956). Ces composés ont alors rapidement gagné en popularité, d’abord dans les cercles scientifiques pour leur potentiel thérapeutique.
Mais l’engouement gagne la culture populaire des années 1950 et 1960. Alimentée par le mouvement hippie, la culture psychédélique se propage rapidement. Plusieurs figures emblématiques relaient leurs expériences mystiques sous psilocybine. D’Aldous Huxley à Michel Foucault en passant par Jim Morrison, les récits extatiques se multiplient. La consommation de ces substances à des fins récréatives et spirituelles s’envole. Et devient parfois excessive sous l’influence du très controversé Timothy Leary…
La contre-culture menace l’ordre établi…
Les psychédéliques – champignons magiques, mais aussi LSD deviennent alors symbole de la contre-culture. Leur usage croissant gagne les universités américaines, où les étudiants préfèrent le trip psychédélique à la guerre du Vietnam. Et si la population devenait incontrôlable ? Menacé, le pouvoir réagit donc rapidement. Les premières législations visent à restreindre l’accès à ces substances, perçues comme une menace pour l’ordre public et la santé mentale des individus. Ces mesures sont justifiées par des préoccupations liées aux effets potentiellement dangereux et imprévisibles des enthéogènes.
Nixon et la War on Drugs
Le président Richard Nixon se lance alors dans une véritable Guerre contre la Drogue. Elle marque une intensification des efforts pour éradiquer l’usage des substances psychédéliques. Aux États-Unis, le LSD est interdit en 1967, bientôt suivi de la psilocybine. Une campagne de propagande cible les drogues hallucinogènes : si la jeunesse va mal, c’est à cause des psychotropes. On communique massivement sur les dangers du LSD et de la mescaline, mais aussi de l’ayahuasca et des truffes magiques… Pendant ce temps, les recherches scientifiques prennent fin.
Impact de l’interdiction des drogues psychédéliques
La fin de la recherche ?
L’interdiction des drogues psychédéliques a eu des répercussions profondes. Socialement, elle a stigmatisé les utilisateurs, souvent assimilés à des délinquants ou des marginaux. Culturellement, elle a mis fin à une période d’exploration et d’expression artistique influencée par les psychédéliques. Scientifiquement, les interdictions ont freiné la recherche sur ces substances, privant la communauté médicale de potentiels traitements innovants pour des conditions telles que la dépression, l’anxiété et le trouble de stress post-traumatique, qui ne tarderont pas à se transformer en véritables fléaux pour l’humanité : selon l’OMS environ 300 millions de personnes souffrent de dépression, et autant de personnes souffrent de Stress Post-Traumatique.
Un regain d’intérêt pour les psychédéliques
Malgré les interdictions, l’intérêt pour les drogues psychédéliques n’a jamais complètement disparu et leur usage récréatif comme thérapeutique se poursuivront illégalement. Depuis les années 2000, un renouveau de la recherche scientifique a émergé, soutenu par des études démontrant les bénéfices thérapeutiques de substances comme la psilocybine et le LSD. Des pays comme les Pays-Bas, le Canada et certains états américains ont commencé à assouplir leurs lois, permettant l’utilisation thérapeutique de ces substances sous certaines conditions strictes.
Des initiatives législatives récentes reflètent une réévaluation des risques et des bénéfices des drogues psychédéliques, comme la légalisation de l’usage thérapeutique de la MDMA et de la psilocybine en Australie en 2023.
L’histoire de l’interdiction des drogues psychédéliques est complexe et riche en enseignements. En la revisitant, nous comprenons mieux les dynamiques sociales et politiques qui ont façonné notre perception des substances hallucinogènes. De leur découverte à leur stigmatisation, elles fascinent autant qu’elles divisent. Mais avec les progrès de la recherche scientifique, nos représentations évoluent. Nous assistons peu à peu à une intégration plus large et plus acceptée des psychédéliques dans la société, aux côtés d’autres médicaments couramment prescrits. En tous cas, leur potentiel thérapeutique et spirituel ne peut plus être ignoré !
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