Les psychédéliques sont-ils vraiment des stupéfiants ?

Les psychédéliques, souvent appelés hallucinogènes, suscitent débats et controverses depuis des décennies. Ces substances, qui incluent le LSD, la psilocybine et la mescaline, sont connues pour leurs effets puissants sur la perception et la conscience. La question de leur légalité s’est donc rapidement posée, imposant une réglementation stricte dans de nombreux pays.

Leur statut de drogue est-il avéré ? Sont-ils vraiment des stupéfiants ? Pour répondre à cette question, il est essentiel de revenir sur quelques définitions et d’explorer leurs effets ainsi que la législation qui les entoure..

C’est quoi au juste, les psychédéliques ?

Des substances hallucinogènes

On englobe un grand nombre de substances sous le terme psychédéliques. Parmi elles, on retrouve notamment :

    • Acide Lysergique Diéthylamide, plus connu sous le nom de LSD
    • Mescaline, présente dans certains cactus comme le peyotl et le San Pedro
    • DMT (diméthyltryptamine), molécule psychotrope contenue dans l’ayahuasca
    • Psilocybe, Psilocybine et autres champignons hallucinogènes
Champignon psilocybe (Source : Wikipedia)

On retrouve dans cette liste des produits naturels (champignons, plantes) ainsi que des synthèses chimiques (LSD). Toutes ces substances ont cependant un point commun : elles produisent des effets hallucinogènes. En d’autres termes, elles modifient la perception. Les utilisateurs rapportent ainsi des expériences visuelles intenses, des sensations de dissociation et des émotions amplifiées.

Attention aux abus de langage !

Ce point commun conduit à un usage abusif du terme. Car si tous les psychédéliques sont hallucinogènes, tous les hallucinogènes ne sont pas des drogues psychédéliques ! En effet, un consensus scientifique distingue 3 types d’hallucinogènes, en fonction de leurs effets cliniques :

    • les délirants (ou délirogènes) : Ils produisent des hallucinations visuelles et auditives très vives, souvent désagréables et sont hautement toxiques (exemple : l’amanite tue-mouches ou Amanita Muscaria)
    • les dissociatifs : Ils présentent un risque élevé de dépendance et provoquent un effet dépresseur sur le système nerveux central, d’où le risque de décès par dépression respiratoire.
    • les psychédéliques : Cette catégorie de psychotropes induit une modification de la perception, mais ne provoque pas de dépendance. Certains d’entre eux peuvent aussi être dissociatifs !

Comparés à d’autres substances hallucinogènes, les psychédéliques ont donc des caractéristiques distinctes. Par exemple, ils ne créent pas de dépendance physique comme les opioïdes ou les stimulants. En outre, l’état d’esprit et la condition physique du consommateur influent directement sur les effets de la consommation, au même titre que le dosage et les conditions de prise.

Comment définir les stupéfiants ?

Stupéfiants ou substances psychotropes ?

Premier texte international relatif au contrôle des drogues, la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 n’en donne pas de définition précise. Est considéré comme stupéfiant “toute substance des tableaux I et II”

En 1971 est signée la convention internationale sur les substances psychotropes, parmi lesquels figurent les psychédéliques, dont les champignons à la psilocybine. On peut lire dans le glossaire : L’Expression substance psychotrope désigne toute substance, qu’elle soit d’origine naturelle ou synthétique, ou tout produit naturel du tableau I, II, III ou IV.

Conférence pour l’adoption d’une convention unique sur les stupéfiants, 1961 (Source : Nations Unies)

Nous voilà donc avec une définition pour le moins tautologique : un stupéfiant est un psychotrope interdit… Ceci n’empêche pas la France, d’établir une liste des substances classées comme stupéfiants dans un arrêté du 22 février 1990. Substance psychoactive, la psilocybine est donc classée parmi les stupéfiants par le Code de la Santé Publique, avec d’autres psychédéliques.

Un vide juridique jusqu’en … 2022 !

Et c’est là que le bât blesse ! La réalité étant qu’il n’existait pas de définition juridique des stupéfiants en droit français jusqu’en 2022. Encore moins concernant les plantes… Pour preuve, l’article L. 5132-7 du code de la santé publique qui affirme : “Les plantes, substances ou préparations vénéneuses sont classées comme stupéfiants ou comme psychotropes ou sont inscrites sur les listes I et II”. Un stupéfiant est donc toujours un stupéfiant parce qu’il est classé comme tel !

Ce vide juridique va donc conduire les producteurs de cannabinoïdes à saisir le Conseil Constitutionnel en janvier 2022. Leurs demandes sont rejetées, mais obligent enfin le Conseil à préciser sa définition des stupéfiants : “la notion de stupéfiants désigne des substances psychotropes qui se caractérisent par un risque de dépendance et des effets nocifs pour la santé” (Décision n° 2021-960 QPC du 7 janvier 2022).

Une législation inadaptée pour les psychédéliques ?

Les psychédéliques sont des psychotropes

Si l’on résume, les psychédéliques sont donc des psychotropes, c’est-à-dire des substances qui agissent sur le système nerveux central. Leur capacité à altérer profondément la conscience justifie donc à elle seule leur interdiction dans de nombreux pays.

À l’échelle mondiale, les psychédéliques sont donc largement classés comme drogues depuis la Convention de 1971. Cela signifie qu’ils sont considérés comme dangereux et sans intérêt thérapeutique. Ce classement a conduit à des lois nationales très restrictives concernant leur possession, leur production et leur utilisation. Il a surtout entravé la recherche.

Mais ils ne provoquent pas de dépendance !

Comme nous l’avons dit plus haut, les psychédéliques, dont la psilocybine, ne provoquent pas de phénomène d’addiction ! Or, c’est depuis 2022 le pilier de la définition française des stupéfiants. On peut donc espérer que le classement puisse évoluer afin de faciliter les recherches et de permettre au plus grand nombre de profiter des effets bénéfiques des thérapies psychédéliques.

Pourtant, les opposants à la reclassification mettent en garde contre les dangers potentiels des psychédéliques, notamment les risques de bad trips et de déclenchement de troubles psychiatriques latents. Ils insistent sur le fait que la classification actuelle est nécessaire pour protéger la santé publique.

Le débat reste donc ouvert avec les partisans de la reclassification qui soutiennent que ces substances ont un potentiel thérapeutique sous-exploité et que les interdictions actuelles entravent la recherche scientifique. Ils soulignent également que les risques associés aux psychédéliques peuvent être gérés avec des protocoles de sécurité appropriés. Leurs éventuels risques pour la santé peuvent donc être tout à fait réduits.

Les psychédéliques, bien que classés comme stupéfiants dans de nombreux pays, possèdent des caractéristiques uniques qui les distinguent des autres drogues de cette catégorie. Leurs effets puissants sur la perception et la conscience justifient des précautions strictes, mais leur potentiel thérapeutique émergent invite à une réévaluation de leur statut légal.

En fin de compte, la question de savoir si les psychédéliques sont vraiment des stupéfiants dépend de la perspective adoptée… La réponse pourrait bien résider dans un terrain d’entente qui reconnaît les risques tout en explorant les avantages thérapeutiques potentiels.